La construction de la route des gorges du Tarn, sur la rive droite en 1905, a délaissé quatre hameaux sur la rive gauche, uniquement accessibles à pieds par le GR6 ou en traversant le Tarn en bateau ou… à la nage.
En 1887, Edmond Plauchut nous raconte sa découverte du site.
« Il faut prendre de nouvelles barques au Pas-des-Soucis ou plutôt au pont de Saint-Préjes, mais le Rosier, nom du village où doit se terminer l’excursion, n’est plus qu’à dix kilomètres du bateau. On se dit en repartant que si les rives entre lesquelles on va naviguer pendant une heure étaient plates et sablonneuses comme celles de la Loire à Orléans, on n’en serait pas fâché, ne serait-ce que pour jouir d’un contraste. Il n’en est rien. On traverse encore et avec une très grande rapidité un centre de falaises turriculées d’une hauteur de deux cents mètres, et leurs sommets, sur lesquels semblent planer les nuages, sont tellement bien déchiquetés que vous croyez voir de nouveau les tourelles, les remparts, les cathédrales écroulées d’une ville de géants. Vous pensiez en avoir fini, les merveilles recommencent. Voici un site délicieux, la Sablière, et les yeux ne quittent qu’avec regret la verdure sous laquelle il est enfoui. Jamais saules, noisetiers et peupliers ne m’ont paru plus agréables à regarder. Et le pic de Cinglegros Je n’en parlerais pas, malgré la place qu’il prend dans le ciel, si, tout à côté, l’on ne me montrait une aire d’aigle et même un aigle planant dans l’immensité.
Encore un rapide, et des plus dangereux. Mais nous sommes aguerris et nous ne bougeons plus, malgré l’eau que nous embarquons, le déchirement des planches sur les rochers, les embruns qui nous enveloppent et les changements brusques de direction quand un récif menace de tout briser. C’est là qu’en 1880 deux Anglais faillirent périr. Nous avons quitté la Lozère, et la rive droite du Tarn est devenue aveyronnaise un peu en amont de la gorge de Saint-Marcelin. Le Rosier nous crient les bateliers, et, dans le lointain, ils nous montrent un pont en pierre, bien mesquin après les majestueux encorbellements du cirque des Beaumes et les énormes blocs de rocher jetés d’une rive à l’autre au Pas-des- Soucis.
On débarque; il est six heures, et nous avons fait exactement le tour du cadran en naviguant de Sainte-Enimie au Rosier. Les hôtels rouges et blancs de ce dernier village sont très habitables. Les fourneaux s’allument, les salles à manger s’éclairent, et le plaisir que nous éprouvons à nous retrouver réunis après une si émouvante journée autour de tables proprement servies n’est pas une des moindres joies de notre très intéressante excursion. »
Edmond Plauchut. « Le Temps » du 7 août 1887